Le Haṭha-Yoga
Gorakṣanātha est considéré comme fondateur de l’ordre des nātha-yogin. La spécificité de son enseignement est de préconiser un effort énergique pour atteindre l'éveil. Il met en œuvre un grand nombre de pratiques psycho-physiologiques. Ces pratiques sont englobées sous le nom de haṭha-yoga. Le mot haṭha est composé de ha : soleil et ṭha : lune. L’union de la lune et du soleil, qui symbolise l’union des pôles énergétiques contraires, serait ainsi le but de ce yoga.
Il existe un assez grand nombre de traités de haṭha-yoga, issus de la tradition nātha ou d’autres écoles apparentées. Le Gorakṣa-śataka est le plus ancien et est attribué directement à Gorakṣanātha. Trois autres traités font autorité et datent de la fin du Moyen Âge: la Haṭha-yoga-pradīpikā, la Gheraṇḍa-saṃhita, la Śiva-saṃhita. Tous ces textes sont avant tout des manuels techniques, destinés à être utilisés avec l’aide d’un guide.
La voie des nātha-yogin semble avoir été fameuse, après le XIIe siècle de notre ère. Après s’être répandue d’abord dans toute l’Inde du nord, elle a été florissante pendant plusieurs siècles sur toute l’étendue du continent indien.
Les nātha sont des tantriques, dans la mesure où ils croient en l’unité de Śiva et Śakti, la conscience et l’énergie.
Physiologiquement, le haṭha-yoga est basé sur le fait que l’on peut prendre conscience des plus hauts niveaux du mental, et même au-delà, en gérant bien les diverses forces et fonctions du corps physique. Toute stimulation du système nerveux aura évidemment des répercussions sur le mental, car tous les nerfs sont directement ou indirectement reliés au cerveau. La technique du haṭha-yoga amène un équilibre entre les systèmes nerveux parasympathique et sympathique qui influencent le fonctionnement de presque tous les organes du corps.
Ces deux systèmes sont reliés à différents organes tels que le cœur, les poumons et le système digestif. Ces systèmes sont antagonistes, de telle sorte que le fonctionnement organique est à tout moment le résultat d'un compromis entre ces deux forces opposées. Le système sympathique tend à mobiliser tout le corps pour qu'il puisse accomplir les activités extérieures. D’autre part, le système parasympathique, tend à tourner l'individu vers l'intérieur et l'encourage à penser et réfléchir.
Ni l'un ni l'autre de ces fonctionnements extrêmes n'est souhaitable pour la méditation. Si l'on pense trop, elle devient impossible. De même, si l'attention est sans cesse extravertie, on ne peut se concentrer. La condition idéale est ainsi l'équilibre de ces deux systèmes et c'est que permet le haṭha-yoga.
L’originalité du haṭha-yoga est ainsi de s’être érigé en science expérimentale du déconditionnement de la conscience. Il met à la disposition de ses adeptes un ensemble de moyens : la maîtrise corporelle, du souffle, des manipulations précises des énergies vitales, afin d’atteindre donc une conscience supérieure.
Voici les principales techniques du l’haṭha-yoga :
Les ṣaṭkarman
Ce sont des méthodes yogiques du nettoyage du corps. Ces méthodes consistent à purifier le corps de toutes les impuretés qui peuvent encombrer la bonne circulation de l’énergie dans le corps.
Āsana
D’après la tradition yogique, il existerait quatre-vingt-quatre centaines de milliers de postures, ce qui revient à dire qu’il y a autant d’āsana que de formes de vie. Aussi les textes anciens n’en sélectionnent-ils que quelques-unes : la Haṭha-yoga-pradīpikā en décrit quinze, la Gheraṇḍa-saṃhita trente-deux et la Śiva-saṃhita quatre-vingt-quatre. Actuellement, on peut dire qu’il existe quelques centaines de postures mais la plupart sont des variantes des āsana fondamentaux. Nombre d’entre-elles portent des noms d’animaux, d’autres évoquent le monde végétal, se réfèrent à des sages ou à des dieux. Les āsana symbolisent en quelque sorte une « matrice » par laquelle doivent passer tous les êtres pour parvenir à la condition humaine puis la dépasser. Sur le plan physique, on attribue aux différentes postures la capacité de fortifier le corps. Cependant, dans la pratique de haṭha-yoga il ne faut absolument pas s’arrêter au plan physique grossier mais passer au plan subtil en travaillant sur les cakra (centres énergétiques).
Nous pouvons classer les différentes postures en cinq catégories : extension, flexion, inversion, latéral et équilibre. Les āsana, pour donner tout leur bénéfice, doivent être maintenus longtemps (plusieurs minutes voire plus) et s’accompagnent de respirations spécifiques, de la contraction de certains organes, de concentration et de visualisation.
Prāṇāyāma
Les techniques de prāṇāyāma ont pour but la maîtrise du souffle respiratoire et par lui de toutes les énergies vitales (prāṇa). Elles sont très élaborées et abondamment décrites dans les traités de haṭha-yoga.
Les disciplines du souffle respiratoire et des énergies vitales aboutissent à des rétentions du souffle et à des suspensions des fonctions vitales.
Ainsi, le prāṇāyāma permet de stimuler et de réguler le souffle vital chez le pratiquant.
Bandha
Les bandha sont des contractions internes qui ont comme fonction d’inverser les courants d’énergie dans le corps.
Mudrā
Le yoga tantrique appelle mudrā ou « sceaux » des procédés où la rétention de souffle, accompagnée généralement des bandha, se combine avec certains gestes ou postures qui « scellent » l’énergie à l’intérieur du corps ou la transfèrent vers un endroit choisi.
Sources:
Feuga P. et Michaël T. (2004), Le Yoga, Puf.
Feuga P. (2003) Tantrisme : doctrine, pratique, art, rituel…, Dangles, 1994
Michaël T. (2007), La centurie de Goraksa, Almora.